L’occupation ancienne du territoire
Les recherches archéologiques menées sur la Côte-Nord depuis la décennie de 1970 nous apprennent que cette région est occupée par des groupes autochtones depuis plus de 8 000 ans. Aussitôt que le glacier fit place aux végétaux puis aux animaux, les premiers humains y font leur apparition. D’abord attirés par l’abondance des ressources côtières, les exigences de la survie les mènent vers l’intérieur de ce territoire inconnu. Jusqu’à tout récemment, la Côte, comme le continent en entier, est autochtone, jusqu’à ce que se profilent à l’horizon de bien étranges embarcations munies de voiles blanches…
La culture paléoindienne
Il y a 11 000 ans, la fonte du glacier laurentidien libère l’île d’Anticosti puis le littoral nord-côtier à l’est de la rivière Saint-Augustin. Les côtes sont toutefois submergées par la mer. Il y a 8 000 ans, la glace n’occupe plus que l’amont des grandes rivières. Les végétaux et les animaux s’établissent alors sur les terres libres d’eau, suivis des premiers humains aux extrémités est puis ouest du territoire.
Les cultures archaiques
La culture dite « Archaïque maritime », associée à la mer et à ses ressources, se manifeste de la Nouvelle-Angleterre au nord du Labrador. Ses traces remontent à plus de 7 000 en Basse-Côte-Nord (région de Blanc-Sablon). Elle disparaît il y a plus de 3 500 ans. La culture de l’Archaïque du Bouclier est surtout adaptée aux ressources de la forêt boréale (petits et grands mammifères, poissons, fruits). Ses vestiges les plus anciens sur notre vaste territoire remontent à 8 000 ans (en Haute-Côte-Nord, site du Cap de Bon-Désir).
Les cultures paléo-esquimaudes
Il y a 4 000 ans, des gens de langue et de culture très différentes quittent l’Alaska pour devenir les premiers occupants de l’Arctique et du Groenland. Il y a 2 800 ans, leurs descendants (les gens du complexe de Groswater), atteignent la côte sud du Labrador et Terre-Neuve. Ils seront remplacés, il y a 2 500 ans, par un autre groupe nordique, les Dorsétiens, qui occuperont ces régions de façon plus intensive. Pour des raisons inconnues, cette culture disparaît il y a 700 ans.
La période de l’archaique terminal
Cette période débute vers l’an 1 300 de notre ère avec le retrait des Paléo-esquimaux au sud du Labrador, et s’achève à l’arrivée des premiers navires européens au large des côtes, vers l’an 1 500. Elle est représentée en Basse-Côte-Nord / Labrador par le complexe « Point Revenge », et à Terre-Neuve par le complexe « Little Passage ». Certains archéologues proposent que les cultures responsables de ces complexes (outils et comportements culturels) soient ancêtres des innus et des Béothuks, nation dont la dernière représentante meurt sur l’île de Terre-Neuve en 1829.
La culture inuit
Ancêtres des Inuits, les « Thuléens », habiles chasseurs de baleines, amorcent vers l’an 900 une migration de l’Alaska vers l’est de l’Arctique et le Groenland. Ils fréquentent le sud du Labrador vers 1580, attirés par la présence de pêcheurs européens. Des vestiges témoignent de leur présence en Basse-Côte-Nord, mais sont-ils venus jusqu’à Havre-Saint-Pierre, nommé jadis Pointe-aux-Esquimaux ? Vers 1750, ils se retirent vers la côte nordique du Labrador, où on les retrouve encore aujourd’hui, au nombre de plus de 5 000, dans les communautés de Nain, Hopedale, Postville, Makkovik et Rigolet.
La période du sylvicole
Cette période est marquée par l’introduction, il y a 3 000 ans, de la céramique dans la technologie autochtone du Nord-Est américain. Les « Iroquoiens du Saint-Laurent », que rencontre Cartier en 1534, maîtrisent cet art. établis à Hochelaga (Montréal), Stadaconé (Québec) et dans quelques hameaux plus à l’est, ils vivent essentiellement d’horticulture (maïs, tournesols, haricots, courges). Alors que s’amorce l’exploration du golfe Saint-Laurent à l’époque de Cartier, ils exploitent les ressources de l’estuaire du fleuve en été, comme les phoques et les bélugas. Leur présence est attestée sur quelques sites archéologiques entre Tadoussac et Les Escoumins. Au moment de la fondation de Québec par Samuel de Champlain en l’an 1608, cette population est complètement disparue.
Les premiers contacts
Il est fort probable que les premiers Européens à être entrés en contact avec les innus soient des pêcheurs français. Des documents cartographiques nous apprennent que les Bretons fréquentent déjà les bancs de pêche des « Terres neuves » en 1506. La découverte par l’Italien Giovani Caboto (mieux connu sous le nom de John Cabot – alors qu’il navigue au nom de la couronne anglaise) de ces hauts fonds où foisonnent la morue, lors de son célèbre voyage de 1497, allait annoncer le début d’une course estivale aux meilleurs lieux de pêche par des navires provenant de l’Angleterre, de la France, de l’Espagne et du Portugal surtout. Cette fréquentation saisonnière d’alors a fort probablement mené quelques navires de pêche au large des côtes de ce qui deviendrait la Basse-Côte-Nord.
Chose certaine, le navigateur malouin Jacques Cartier rencontre lui-même un équipage de morutiers bretons lors de son voyage de 1534, quelque part à l’ouest de l’actuel village de Blanc-Sablon. La région du détroit de Belle-Isle allait vite devenir un secteur privilégié par la flotte de pêche française (bretonne et normande surtout), ainsi que pour les baleiniers basques à partir de la décennie de 1550.
Il est à parier que la présence de plusieurs dizaines de navires européens dans ces parages représentait une excellente opportunité pour les innus d’établir des liens commerciaux avec ces étrangers, dont la plupart des navires comptaient à leur bord du matériel de traite pour suppléer aux opérations de pêche qui représentaient leur motivation première.
Certains documents d’archives laissent même croire qu’on employait à l’occasion des Autochtones dans les stations morutières et baleinières situées dans des havres protégés de la Basse-Côte-Nord et du sud du Labrador.